08/10/2014
CONTES ET RECITS DES ARTS MARTIAUX
Yang Luchan (1799-1872 )
Le voleur de Connaissance
Né au début du XIX°siècle dans une famille paysanne du Ho-Pei, le jeune Yang Lu Chan n'avait qu'une passion : le Chuan-Shu, l'Art du poing. Ayant fréquenté assidûment dès son enfance les écoles d'Arts Martiaux de sa province, il avait atteint très tôt le rang d'un expert réputé. Mais les styles qu'il avait pratiqués jusque-là ne le satisfaisaient pas. Il avait conscience que, depuis la destruction du monastère de Shaolin, l'Art du poing avait lentement dégénéré en une méthode de combat qui faisait une trop grande place aux recettes techniques et à la force musculaire. Malgré ses recherches dans tous les recoins du Ho-Pei, il ne parvenait pas à y découvrir un Maître susceptible de lui enseigner un Art plus profond qui déboucherait sur la voie de l'harmonie. Son désespoir prit fin quand il entendit parler du Tai Chi Chuan, Art qui commençait à se populariser dans une autre province : le Honan.
Abandonnant ses parents et amis, Yang entreprit un voyage à pied de plus de 800 kilomètres pour se rendre dans la patrie de l'Art qu'il désirait étudier. Dès qu'il le put, il se fit admettre dans les milieux fermés des pratiquants de Tai Chi. Au cours des conversations qu'il eut avec ceux-ci, un nom revenait souvent à ses oreilles : celui du Maître Chen Chang Hsiang. Cet homme passait pour celui qui, à l'époque, avait le plus haut "Kung fu", c'est-à-dire la plus grande expérience. Mais, hélas, le Maître Chen enseignait exclusivement aux membres de sa famille, dans le plus grand secret.
Ch'en Chang-hsing (1771–1853)
Yang pensa qu'après un si long voyage, il méritait d'étudier avec le meilleur. Adroitement, il réussit à se faire engager dans la famille Chen comme serviteur. Chaque jour, il se débrouillait pour épier en cachette l'entraînement familial sous la conduite du patriarche. Soigneusement dissimulé, il observait attentivement les mouvements, il buvait les paroles et conseils du Maître. Pendant une partie de la nuit, quand tout le monde dormait, il s’exerçait à refaire ce qu'il avait vu dans la journée et à polir inlassablement les enchaînements qu'il avait appris les jours précédents.
Son espionnage se poursuivit plusieurs mois sans éveiller de soupçon... jusqu'au jour où il fut pris en flagrant délit. Aussitôt conduit devant le Maître Chen, il s'attendait au pire. Le vieil homme paraissait en effet fort mécontent et le ton de sa voix trahissait une certaine irritation :
- "Eh bien, jeune homme, il semble que vous ayez abusé de notre confiance. Vous vous êtes introduit ici dans le seul but d'espionner notre enseignement, n'est-ce-pas?"
- "Effectivement", avoua Yang.
- "Je ne sais pas encore ce que nous allons faire de vous. En attendant, je serais curieux de voir ce que vous avez pu apprendre dans de telles conditions. Pouvez-vous me faire une démonstration?"
Yang exécuta alors un enchaînement avec une concentration et une fluidité telles que le vieux Chen fut profondément bouleversé de voir un reflet si fidèle de son Art. Il se garda bien de manifester son émotion et resta silencieux un long moment avant de déclarer :
- "Ce serait idiot de vous laisser partir avec le peu que vous connaissez. Vous risqueriez de ternir la réputation de notre famille en montrant notre Art de façon incomplète. Le mieux serait que vous restiez ici le temps de terminer votre apprentissage et, cette fois, sous ma direction !"
Demeurant encore de nombreuses années dans la famille Chen, Yang intégra de plus en plus profondément l'Art suprême du Tai Chi. Ce n'est qu'après avoir reçu la bénédiction de son vieux Maître qu'il repartit dans sa province natale.
A Pékin, où il décida de s'installer pour enseigner son Art, on ne tarda pas à l'appeler 'l'insurpassable Yang". En effet, bien que souvent défié par d'autres professeurs ou par de jeunes champions, il ne fut jamais vaincu. Ses combats contribuèrent à renforcer la réputation du Tai Chi Chuan, d'autant plus qu'il parvenait à neutraliser ses adversaires sans jamais les blesser.
Transmission de Chen Changxing à Maître Yang Luchan ,
Village de Chen, Chine,
29/09/2014
Rihei le marchand (conte)...
Rihei est un marchand comblé. Il vit dans une belle maison, enveloppé dans les plus beaux kimonos de pure soie et auprès d'une femme ravissante. Seulement voilà, il n'est pas un fier samouraï. Rihei rougit d'appartenir à une profession qui a trait à l'argent.
Au cours de l'année 1701, Rihei apprend qu'Asano no kami, seigneur d' Ako, a été contraint de faire seppuku après avoir tenté de tuer le monstrueux Kira Yoshinaka, chambellan honoraire du Shôgun, qui l'a insulté. Fait aggravant, il a commis l'attentat dans le propre palais de ce dernier.
Tsukioka Yoshitoshi..Ōishi Kuranosuke Yoshio,chef des 47 rônin.
Rihei est très affecté. Il connaît bien les seigneurs d'Ako qui ont toujours été ses protecteurs. Il se dirige vers le château pour proposer ses services à Oishi Kura no sake, chef des vassaux. Ce dernier lui demande d'aider ceux d'entre eux qui sont décidés à venger leur chef. Il doit cependant savoir qu'il est le seul au courant du complot. « Nous avons besoin d'armes : arcs, flèches, hallebardes ainsi que d'armures et d'échelles de corde pour franchir les murs du château » lui dit Oishi.
Afin d'être sûr du secret le plus absolu, il décide de se séparer de sa femme et, malgré les supplications de celle-ci qui ne comprend pas ce qui lui arrive, il la répudie tout en gardant leur fils auprès de lui. Il lui promet cependant de la reprendre au bout de cent jours.
Fier de la confiance que lui témoigne Oishi, Rihei s'occupe personnellement des achats ainsi que de l'emballage des armes. Ainsi personne n'est au courant. Enfin la dernière caisse est expédiée.
Une nuit, Rihei est réveillé en sursaut par des coups frappés à sa porte... Sans se méfier, il va ouvrir et se trouve face à une escouade de policiers : « au nom de la loi, je vous arrête pour avoir expédié, à la demande d'Oishi Kura no suke, vassal d'Asano Takumi no kami, seigneur d'Ako, des armes destinées aux protagonistes d'un complot contre la vie de Kira Yoshinaka ». Rihei a peur. Le complot serait-il découvert ? Le commerçant tente de nier. L'officier de police se tourne vers son subalterne : « apporte la caisse » dit-il. Le marchand voit arriver avec terreur la caisse qu'il a lui-même expédiée quelque temps auparavant. L'officier menace d'exécuter le fils du commerçant. Rihei affirme ne pas être au courant d'une quelconque conspiration. Même sous la torture, il ne peut rien dire puisqu'il ne sait rien. En bon commerçant, il doit simplement livrer ce qu'on lui demande. Voici qu'Oishi apparaît. D'un geste il écarte les policiers devant un Rihei de plus en plus stupéfait et explique : « Personnellement, j'ai toujours eu confiance en vous mais mes 46 camarades doutaient. Alors nous avons pensé à cette mise en scène pour éprouver votre bonne foi et votre fidélité ». Sur ces mots, le rônin se retire. On entend le groupe louer l'héroïsme du commerçant.
La porte s'ouvre une nouvelle fois sur Sono, la femme de Rihei, qui revient supplier son mari de la reprendre. Son père lui a déjà trouvé un autre époux mais elle veut rester auprès du commerçant qu'elle aime et auprès de leur fils qu'elle ne peut concevoir élevé par une marâtre. Le marchand reste inflexible. Sono se retire en pleurant.
Au bout de quelques instants elle revient à nouveau, les yeux remplis d'effroi : « Alors que je sortais d'ici, un homme au visage masqué s'est jeté sur moi et m'a rasé le crâne avec son sabre. Voyez par vous-même... ». Rihei aime toujours sa femme et veut la prendre dans ses bras pour la consoler lorsqu'entre Oishi. Il remet au commerçant un petit paquet en remerciement de sa loyauté. Le marchand, courroucé de ce que le rônin lui fasse un cadeau pour une chose que lui, Rihei, considère comme son devoir, jette le paquet à terre. L'enveloppe se rompt dévoilant le peigne et les cheveux de Sono. « Ainsi » dit Oishi « personne n'acceptera d'épouser votre femme. Ses cheveux mettront cent jours à repousser ».
-« Je ne sais comment vous exprimer ma reconnaissance, Seigneur. Vous me sauvez la vie »
-« Que nenni, Madame. Ma dette envers vous deux va plus loin que vous ne pensez...Un jour Rihei vous expliquera. Quant à vous, mon ami, sachez que vous combattrez avec nous. Notre mot d'ordre sera le nom de votre commerce : Amanoya. Quand l'un de nous criera Ama, l'autre répondra Noya ; Adieu commerçant au cœur de samouraï ».
Statue de Ōishi Yoshio au Shinto shrine Ako Oishi jinja à Akō, Hyōgo, Japon.
Galerie d'estampes des 47 rônin
cliquer sur l'estampe ci-dessous
SOURCE WIKIPEDIA
24/09/2014
KINTARO
Utagawa Kunisada/Toyokuni III .Kintaro, 1810
Kintarō est un héros du folklore japonais. Enfant à force surhumaine, il est élevé par une ogresse sur le mont Ashigara. Il devient ami des animaux de la montagne, et plus tard, après avoir capturé la terreur de la région, Shutendôji, il devient disciple de Minamoto no Yorimitsu .
Kintaro et les animaux sauvages
Toutes les légendes s'accordent sur le fait que Kintarō fut actif et infatigable, dodu et en bonne santé, ne portant qu'un bavoir portant le caractère chinois signifiant or. Sa seule autre possession est une hachette (le symbole chinois du tonnerre). Il est d'une force phénoménale, capable d'écraser les pierres en miettes, d'arracher les arbres de la terre, et de manipuler les branches comme de simples brindilles. Ses amis animaux servent de messagers et de moyens de transport ; certaines légendes disent qu'il aurait appris à leur parler.
Kintaro (Yoshitsuya, 1856)
Plusieurs légendes racontent ses aventures avec les démons et monstres...
Il est dit que le personnage de Kintarō est basé sur la vie d'un homme appelé Sakata no Kintoki, de l'époque Heian, natif de ce qui est aujourd'hui Minamiashigara. Il servit comme domestique pour le samouraï Minamoto no Yorimitsu et devint connu comme guerrier doué.
Il rencontre le samouraï Minamoto no Yorimitsu quand celui-ci passe par la région du mont Kintoki. Yorimitsu, impressionné par sa force, le prend comme domestique chez lui à Kyotô. Kintarō y apprend les Arts Martiaux et devient plus tard chef des Shi Tennô de Yorimitsu, devenant connu pour sa force et sa connaissance des Arts Martiaux. Il retourne chercher sa mère (dans les légendes où elle est encore vivante) et l'amène vivre à Kyôto.
Utagawa Yoshikazu .Kintaro Wrestling, 1860 . triptyque.
Kintaro est généralement représenté en rouge, et avec ses singes fidèles et une hache qui est mise au rebut au premier plan de l'impression. Sa mère est affichée dans le panneau de gauche et Yorimitsu dans le droit.
Il est un personnage populaire du nô et du kabuki. On expose des poupées Kintarō le jour de la fête des garçons, Tango no Sekku dans l'espoir de voir les garçons devenir aussi courageux et forts que Kintarō.
Kintarō est une figure très populaire au Japon, son image étant présente un peu partout, des statues aux livres de contes, anime, manga et figurines articulées. Il y a des bonbons Kintarō depuis l'époque d'Edo ; son visage apparaît quand on coupe (à n'importe quel angle) le bonbon cylindrique.
Il existe un sanctuaire pour Kintarō aux pieds du mont Kintoki, dans la région de Hakone près de Tôkyô. Près du lieu, on trouve un grand rocher qui aurait été coupé en deux par Kintarō lui-même.
Statue de Kintarō au lac de Ashi
SOURCE WIKIPEDIA
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23/09/2014
STANLEY PRANIN et ses recherches...
INTERVENTION DE STANLEY PRANIN LORS DE LA FÊTE DE L’AÏKIDO 2012
Stanley Pranin nous expose ici ses recherches sur l'évolution de l’Aïkido à travers la vie de O Senseï et il répond à la question suivante :
Comment la guerre et la religion ont donné forme à l’Aïkido moderne ?
"L'engagement de Morihei Ueshiba dans les domaines de la guerre et de la religion avant la seconde guerre mondiale fournissent des indices sur l'évolution de sa pensée."
Le militarisme du Japon à l'époque, ainsi que du fondateur et sa relation avec Onisaburo Deguchi qui lui aussi était soutenu par des groupes nationalistes japonais de premier plan, n'apparaissent pas au premier abord mais cette étude nous montre les liens qu'il y a pu avoir... C'est d'ailleurs après la deuxième guerre mondiale que le fondateur transforma sa pratique qui évolua et donna le nom d’Aïkido ...
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31/08/2014
CONTE DES ARTS MARTIAUX...
Un enseignement accéléré
Fils d'un célèbre Maître de sabre, Matajuro Yagyu fut renié par son père qui estimait que le travail de son fils était trop médiocre pour espérer en faire un Maître.
Matajuro, qui avait décidé, malgré tout, de devenir un Maître de sabre, partit vers le mont Futara pour y rencontrer le fameux Maître Banzo. Mais Banzo confirma le jugement du père : " tu ne peux pas remplir les conditions".
- "Mais si je travaille très dur, combien d'années cela me prendrait-il pour devenir un Maître ?" insista le jeune homme.
- "Le reste de ta vie", répondit Banzo.
- "Je ne peux pas attendre si longtemps. Je suis prêt à endurer n'importe quoi pour suivre votre enseignement. Si je deviens votre serviteur dévoué, combien de temps cela peut-il prendre ?"
- "Oh, peut-être 10 ans ."
- "Mais, vous savez, mon père se fait vieux, et il me faudra bientôt prendre soin de lui. Si je travaille plus intensivement, il faut compter combien d'années ?"
- "Oh, peut-être 30 ans."
- "Mais, qu'est-ce que ça veut dire ?! D'abord 10, maintenant 30. Croyez-moi, je suis pourtant prêt à supporter n'importe quoi pour maîtriser cet Art dans le temps le plus court !"
- "Bien, dans ce cas, vous aurez à rester 70 ans. Un homme aussi pressé que vous d'obtenir des résultats n'apprend guère rapidement", expliqua Banzo.
-"Très bien", déclara Matajuro, comprenant enfin qu'il était blâmé par son impatience, "j'accepte d'être votre serviteur."
Il fut alors demandé à Matajuro de ne plus parler d'escrime, ni de toucher un sabre. Il servit le Maître, lui prépara ses repas, lui fit son ménage, s'occupa du jardin, tout cela sans un mot au sujet de l'Art du Sabre. Il n'était même pas autorisé à regarder les autres élèves s'entraîner.
Trois années passèrent, Matajuro travaillait toujours et il pensa à son triste sort, lui qui n'avait pas encore la possibilité d'étudier l'Art auquel il avait décidé de consacrer sa vie. Or, un jour, pendant qu'il faisait le ménage, tout en ruminant ses tristes pensées, Banzo se glissa derrière lui en silence et lui donna un terrible coup de boken (sabre de bois).
Le jour, alors que Matajuro préparait du riz, le Maître l'attaqua encore d'une façon tout à fait inattendue. A compter de ce jour, Matajuro dû se défendre jour et nuit contre les attaques surprises de Banzo. A chaque instant, il devait être sur ses gardes, pleinement éveillé, pour ne pas tâter du sabre du Maître.
Il apprit si rapidement que sa concentration, sa rapidité et une sorte de sixième sens lui permirent très tôt d'éviter les attaques de Banzo.
Un jour, peut-être moins de 10 ans après son arrivée, le Maître lui annonça qu'il n'avait plus rien à lui apprendre.
24/08/2014
CONTES DES ARTS MARTIAUX...
Morihei Ueshiba et Saito Morihiro Senseï
Une claire perception
Shôjû Rôjin dut, selon ses propres dires, attendre l'âge de cinquante-cinq ans pour parvenir à la continuité dans la "juste perception", la claire vision du clair esprit. Il attachait tellement d'importance à cela qu'il baptisa son ermitage "la cabane de la Juste Perception". Rares étaient les moines qui se risquaient à rencontrer ce vieil homme, héritier direct d'une très ancienne lignée, et devenu l'un des plus grands Maîtres du Japon. Certains guerriers, toutefois, n'hésitaient pas à faire appel à lui pour progresser dans l'éclaircissement de l'esprit. Un jour, quelques samouraïs pratiquaient la concentration zen en tirant au sabre devant le maître. Lorsqu'ils s'arrêtèrent pour reprendre haleine, l'un d'eux dit à l'ermite : "Pour ce qui est du principe, votre compréhension se relève bien supérieure à la nôtre, mais s'il s'agit de pratique, ne l'emportons-nous pas sur vous ?". Saisissant sur-le-champ cette opportunité, le vieux maître lança un défi aux samouraïs. Le guerrier fanfaronnant tendit au vieil homme un sabre en bois, mais le maître refusa, arguant du fait qu'un moine bouddhiste ne saurait brandir une arme, fût-elle en bois. Non, il ferait usage de son éventail, dont le support métallique suffirait amplement à sa défense. "Essayez donc de m'atteindre" lança le Maître, exhortant les samouraïs au combat.
Les guerriers ne pouvaient refuser un tel défi. Empoignant leurs sabres, ils attaquèrent le vieil homme sous tous les angles. Mais à mesure que celui-ci faisait une démonstration virtuose de l'art de la défense, leur émerveillement grandissait - et diminuait d'autant leur vigueur ! Chaque coup était adroitement paré par l'éventail du maître, qui semblait attirer les sabres comme un aimant. Brisés de fatigue, les guerriers durent admettre que le vieil homme se relevait capable de transformer à volonté sa connaissance abstraite en action concrète. L'un d'eux demanda quel était son secret. "- Il n'y a là aucun mystère, répondit le vieux Maître, lorsque votre perception objective est claire, vous faites mouche à tous les
coups."
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20/08/2014
HISTOIRES DE SAMOURAÏS
En l'honneur de Kamiizumi Dojo
Kamiizumi Nobutsuna s'était autrefois entraîné à la Kashima Shin Ryu en compagnie de Matsumoto Naokatsu, puis il était rentré dans son pays de Minowa. Il y avait ensuite fondé la Sinkage Ryu en amalgamant à ce qu'il connaissait de la Shin Ryu les techniques de la Aizu Kage Ryu, créée par Aizu Ikosai(1452-1538) et que son père Hidetsuna lui avait transmises. Le Senseï de Minowa était déjà très célèbre et son Dojo, qui était très grand, ressemblait à un petit château. Il avait comme disciples Hikida Bungoro, Shingo Izu, Yagyu Muneyoshi, Matsuda Oribenosuke, Okudaira Kyngasai et beaucoup d'autres, qui devinrent tous de grands professeurs par la suite.
Chaudement recommandé, le jeune Takamoto fut accepté sans réserve. Du moins par le maître des lieux. Il n'en alla évidemment pas de même pour les autres disciples, très curieux de voir à l’œuvre un postulant aussi rapidement admis, chose exceptionnelle dans la tradition des Arts Martiaux. Ils durent cependant se rendre très vite à l'évidence : malgré son jeune âge, le nouveau venu était de taille. Celui-ci s'était en effet plié de bonne grâce à l'usage et affronta l'un après l'autre les disciples de Nobutsuna, en assauts courtois, au bokken. Pour finir par les battre tous, sans difficulté... Lorsqu'il eut vingt ans, Nobutsuna lui-même demanda un assaut contre lui et chose inouïe, fut à son tour proprement battu ! La nouvelle se répandit très vite et Takamoto devint "Le plus fort du Japon de Minowa". Avec beaucoup de grandeur d'âme, Nobutsuna n'en prit nullement ombrage et s'en réjouit bien au contraire. Il lui enseigna même les techniques les plus secrètes (okuden) de son école. Désormais bien intégré au Kamiizumi Dojo, Takamoto enseigna comme assistant de Nobutsuna. Il sauva peu de temps après ce dernier de la honte en mettant en déroute les terribles moines guerriers (yamabushi) descendus de la montagne Haguro dans la province de Dewa, regroupés derrière leur chef Enkaï, un terrible géant, pour défier le Dojo et l'école qu'il représentait.
Histoire tirée du livre
"Histoires de Samouraïs... Récits de temps héroïques" de ROLAND HABERSETZER
25/06/2014
CONTES ET RECITS DES ARTS MARTIAUX (Albin Michel 1981) #15
Le pari du vieux guerrier
Le Seigneur Naoshige déclara un jour à Shimomura Shoun, l'un de ses vieux samouraïs :
"La force et la vigueur du jeune Katsushige sont admirables pour son âge. Quand il lutte avec ses compagnons, il bat même les plus âgés.
Bien que je ne sois plus tout jeune, je suis prêt à parier qu'il ne parviendra pas à me vaincre", affirma le vieux Shoun.
Naoshige se fit un plaisir d'organiser la rencontre qui eut lieu le soir même dans la cour du château, au milieu d'un grand nombre de samouraïs. Ceux-ci étaient impatients de voir ce qui allait arriver à ce vieux farceur de Shoun.
Dès le début de la rencontre, le jeune et puissant Katsushige se précipita sur son frêle adversaire et l'empoigna fermement, décidé à n'en faire qu'une bouchée. A plusieurs reprises, Shoun décolla du sol et faillit aller rouler dans la poussière ; cependant, à la surprise générale, il se rétablissait à chaque fois au dernier moment.
Exaspéré, le jeune homme tenta à nouveau de le projeter en y mettant toute sa force mais, cette fois, Shoun profita habilement de son mouvement et c'est lui qui réussit à déséquilibrer Katsushige et à l'envoyer au sol...
Après avoir aidé son adversaire à demi inconscient à se relever, Shoun s'approcha du Seigneur Naoshige pour lui dire :
" Être fier de sa force quand on ne maîtrise pas encore sa fougue, c'est comme si on se vantait publiquement de ses défauts."
illustration :
19/06/2014
CONTES DES ARTS MARTIAUX
Le moine et le Samouraï.
Un jeune moine se rendait en ville, porteur d’un pli important à remettre en mains propres à son destinataire. Il arrive aux abords de la ville et, pour y pénétrer, doit traverser un pont. Sur ce pont se tenait un Samouraï expert dans l’art du sabre et qui, pour prouver sa force et son invincibilité, avait fait le vœu de provoquer en duel les 100 premiers hommes qui traverseraient ce pont. Il en avait déjà tué 99. Le petit moine était le centième. Le Samouraï lui lança donc un défi. Le moine le supplia de le laisser passer car le pli qu’il portait était d’une grande importance.
"Je vous promets de revenir me battre avec vous une fois ma mission accomplie."
Le Samouraï accepta, et le jeune moine alla porter sa lettre. Mais avant de retourner sur le pont, il se rendit chez son Maître pour lui faire ses adieux, certain qu’il était perdu.
" Je dois aller me battre avec un grand Samouraï, lui dit-il, c’est un champion de sabre et moi je n’ai jamais touché une arme de ma vie. Je vais donc être tué..."
"En effet, lui répondit son Maître, tu vas mourir car il n’y a pour toi aucune chance de victoire, tu n’as donc plus besoin d’avoir peur de la mort. Mais je vais t’enseigner la meilleure façon de mourir : tu brandiras ton sabre au dessus de ta tête, les yeux fermés, et tu attendras. Lorsque tu sentiras un froid sur le sommet de ton crâne, ce sera la mort. A ce moment seulement, tu abattras les bras. C’est tout..."
Le petit moine salua son Maître et se dirigea vers le pont où l’attendait le Samouraï. Ce dernier le remercia d’avoir tenu parole et le pria de se mettre en garde. Le duel commença. Le moine fit ce que son Maître lui avait recommandé. Tenant son sabre à deux mains, il le leva au dessus de sa tête et attendit sans bouger. Cette attitude surprit le Samouraï car la posture qu’avait prise son adversaire ne reflétait ni la peur ni la crainte. Méfiant, il avança prudemment. Impassible, le petit moine était concentré uniquement sur le sommet de son crâne.
Le Samouraï se dit : "Cet homme est sûrement très fort, il a eu le courage de revenir se battre avec moi, ce n’est certainement pas un amateur."
Le moine toujours absorbé, ne prêtait aucune attention aux mouvements de va-et-vient de son adversaire. Ce dernier commença à avoir peur : "C’est sans aucun doute un très grand guerrier, pensa-t-il, seuls les maîtres de sabre prennent dès le début d’un combat une position d’attaque. Et en plus, lui, il ferme les yeux."
Et le jeune moine attendait toujours le moment où il ressentirait ce fameux froid au sommet de sa tête. Pendant ce temps le Samouraï était complètement désemparé, il n’osait plus attaquer, certain au moindre geste de sa part d’être coupé en deux. Et le jeune moine avait complètement oublié le Samouraï, attentif uniquement à bien appliquer les conseils de son Maître, à mourir dignement.
Ce furent les cris et les gémissements du Samouraï qui le ramenèrent à la réalité : "Ne me tuez pas, ayez pitié de moi, je croyais être le roi du sabre, mais je n’avais jamais rencontré un Maître tel que vous. S’il vous plaît, s’il vous plaît, acceptez moi comme disciple, enseignez moi vraiment la Voie du sabre..."
tiré de http://shotokancrsa.com/samourai-histoires.htm
14/06/2014
CONTES ET RECITS DES ARTS MARTIAUX (Albin Michel 1981) #14
L'incroyable Chi
Un Maître du combat à main nue enseignait son Art dans une ville de province. Sa réputation était telle dans la région qu'il défiait toute concurrence : les pratiquants boudaient tous les autres professeurs. Un jeune expert voulut en finir de ce monopole, de ce règne. L'expert se présenta à l'école, un vieillard lui ouvrit la porte. Sans hésiter le jeune homme annonça son intention. Le vieil homme, visiblement embarrassé, tenta de lui expliquer combien cette idée était suicidaire, étant donné la redoutable efficacité du Maître. Pour impressionner ce vieux radoteur qui semblait douter de sa force, l'expert s'empara d'une planche et, d'un coup de genou, il la cassa en deux. Le vieillard demeura imperturbable. Le visiteur insista à nouveau pour combattre avec le Maître, menaçant de tout casser. Le vieux bonhomme le pria alors d'attendre et il disparut. Quand il revint peu après, il tenait à la main un énorme morceau de bambou. Il le tendit au jeune en lui disant : "- Le Maître a l'habitude de casser avec un coup de poing des bambous de cette taille. Je ne peux prendre au sérieux votre requête si vous n'êtes pas capable d'en faire autant." S'efforçant de faire subir au bambou le même sort que la planche, le jeune présomptueux dut finalement renoncer, épuisé, les membres endoloris. Il déclara qu'aucun homme ne pouvait casser ce bambou à main nue. Le vieillard répliqua que le Maître, lui, le pouvait. Il conseilla au visiteur d'abandonner son projet tant qu'il ne serait pas capable d'en faire autant. Excédé, l'expert jura de revenir et de réussir l'épreuve. Deux années passèrent pendant lesquelles il s'entraîna intensivement à la casse. Chaque jour il se musclait et durcissait son corps. Ses efforts portèrent leurs fruits car il se présenta à nouveau à la porte de l'école, sûr de lui. Le même petit vieux le reçut. Exigeant qu'on lui apporte l'un des fameux bambous pour le test, le visiteur ne tarda pas à le caler entre deux énormes pierres. Il se concentra quelques secondes, leva la main puis il cassa le bambou en poussant un cri terrible. Un sourire de satisfaction aux lèvres, il se retourna vers le frêle vieillard. Celui-ci fit un peu la moue et déclara : " Décidément, je suis impardonnable, je crois que j'ai oublié de préciser un détail ! le Maître casse le bambou … sans le toucher." Le jeune homme, hors de lui, répliqua qu'il ne croyait pas aux exploits de ce Maître dont il n'avait même pas pu vérifier la simple existence. Saisissant alors un solide bambou, le vieil homme le suspendit à une ficelle qu'il accrocha au plafond. Après avoir respiré profondément, sans quitter des yeux le bambou, il poussa alors un cri terrifiant qui venait du plus profond de son être, et sa main, telle un sabre, fendit l'air pour s'arrêter à 5 centimètres du bambou… qui éclata. Subjugué par le choc qu'il venait de recevoir, l'expert resta plusieurs minutes sans pouvoir dire un seul mot, pétrifié. Finalement, il demanda humblement pardon au vieux Maître pour son odieux comportement et le pria de l'accepter comme élève.