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05/12/2015

FRANCK NOËL LES 28 & 29 NOV 2015

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Retour sur le stage de Franck Noël (une interview de Franck Noël par Aïkidojournal) qui a eu lieu le week-end dernier, samedi 28 et dimanche 29 novembre 2015 sur l'agglomération Clermontoise en Auvergne.


Le samedi, nous étions une soixantaine à être venus au dojo de Royat, un peu trop petit pour tous ces pratiquants auvergnats mais aussi de la région parisienne, de l'est et du sud... des visages connus de pratiquants suivant les stages d'été de Franck Noël.

Nous avons travaillé KATATE RYOTE DORI ou MOROTE DORI, avec une contrainte marquée en remontant sous le bras de Tori. Ce travail était destiné à appréhender la manière de sortir d'une contrainte par le relâchement et le déplacement. Oublier le bras et l'épaule, et laisser tomber le bras naturellement devant soi, paume de main vers le sol, sans trop rajouter de volonté de faire le mouvement. Après avoir travaillé le déplacement, nous avons décliné plusieurs opportunités de mouvements, entre autres Tai-Atari, Sokumen Irimi Nage, Ikkyo en faisant Ayumi ashi- Enka...

 

Séminaire avec Franck Noël à Prague en Octobre 2014. Photo par Jan Mareš..jpg

Séminaire avec Franck Noël à Prague en Octobre 2014. Photo par Jan Mareš.

PHOTO DU SITE : https://aikifreak.wordpress.com

 


Dans un deuxième temps de débriefing avec les enseignants et ceux voulant y participer, nous avons pu constater l'extrême précision des termes employés par Franck Noël. Il nous a amenés à définir le centrage quand l'action passe par notre axe, mais aussi l'importance de garder les coudes près des hanches, ce qui dans le cas contraire nous décentrerait. Nous avons abordé la différence entre les notions de "Pousser" et de "Peser" : lors de la poussée, les jambes sont ancrées dans le sol alors que dans la notion de peser, les jambes sont libres et le mouvement permet au poids du corps d'exercer une action sans mettre plus de force que nécessaire.


Le dimanche, au dojo de la Maison des Sports de Clermont-Ferrand, autant de monde, bien qu'une partie se soit renouvelée. Le matin, travail sur GYAKU HANMI KATATE DORI, avec une entrée Enka dans un premier temps, permettant de conduire Uke et d'enchaîner également par Tai-atari, sokumen irimi nage, car ces deux mouvements sont très proches, l'entrée étant la même : soit les bras restent en bas pour le premier, soit les bras montent pour le second. Nous avons continué avec plusieurs formes d'Irimi nage, un Kokyu en passant derrière Uke et en descendant directement à genou, ou un autre mouvement permettant de déstabiliser Uke en relâchant complétement le bras en contact avec celui de Uke, induisant un déséquilibre arrière irrémédiable... ainsi que d'autres mouvements peu vus par la majorité des pratiquants ayant peu la chance de suivre Franck Noël.


L'après-midi a été consacré à la pratique du jo avec des exercices de prise en main, puis quelques déclinaisons avec un partenaire, permettant dans un deuxième temps de les travailler à mains nues. Nous avons également vu d'autres formes d'entrées sur Shomen en Tai Jutsu, en piquant sur Uke et en déviant son coude, ou en rentrant sur le Shomen en coupant comme au sabre sur le visage de Uke, sortie extérieure qui en se prolongeant donnait Kote Gaeshi ou Sokumen.


En fait, un stage ayant passé bien trop vite, d'une richesse incroyable, d'un relâchement impressionnant et d'une simplicité apparente déconcertante, monter et baisser les bras simplement,sans plus... euh ! sans plus à son niveau !!!

 

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QUELQUES PRATIQUANTS DU DIMANCHE

30/10/2015

STAGE FRANCK NOEL LE 28 & 29 NOVEMBRE 2015

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17/03/2015

FRANCK NOËL: "D'UN MONDE A L'AUTRE "

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 Je vous invite à lire cette réflexion de Franck Noël (interview sur ce lien)

 

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sur l'accordage d'un instrument et la musique elle-même et sur le rapprochement que l'on peut faire avec notre pratique... Comme d'habitude, cela est très élaboré, comme toutes les réflexions de ce Maître.

Ce texte est tiré du magazine de la FFAAA "AIKI MAG" de MAI 2014, il est au format pdf.

"La scène se passe au début des années 60, lors de l'une des premières prestations du virtuose indien Ravi Shankar en Europe. La musique de sitar était à cette époque encore largement inconnue du grand public qui nʼavait eu jusquʼalors que fort peu dʼoccasions de se familiariser avec les inflexions de ses sonorités et avec la complexité des développements de ses ragas. Le Maître arrive donc sur scène avec son instrument, sʼinstalle  méthodiquement et, concentré, commence à en tirer des sons quʼil module et fait vibrer, quʼil répète comme pour les affirmer, quʼil creuse, quʼil sculpte, quʼil travaille puis abandonne, quʼil isole ou combine...
pendant quelques minutes. Puis, il cesse, sʼimmobilise et, enfin, salue le public. Celui-ci se déchaîne en applaudissements. Ravi Shankar
semble un peu interloqué mais se reprend et déclare doucement : “ Je suis ravi que vous ayez apprécié  le  temps  que  jʼai  passé  à  accorder mon instrument... jʼespère maintenant que vous apprécierez tout autant ma musique...”

POUR LIRE LA SUITE DE L'ARTICLE CLIQUER SUR LE DESSIN  CI-DESSOUS

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ÉCOUTEZ UN DES  DERNIERS CONCERTS EN EUROPE DE RAVI SHANKAR... FANTASTIQUE !

 

 " l'extraordinaire leçon "

 

 

21/04/2014

SHIN-GI-TAÏ... Franck Noël

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CETTE RÉFLEXION DE FRANCK NOËL EST TIRÉE DE SON SITE

Shin-Gi-Taï

    Comment appeler cela ? Une trilogie, un triptyque, un trio ? On ne sait. Peu importe d’ailleurs.
    Shin-Gi-Taï : le mental, la technique et le corps comme trois pôles indispensables et indissociables du caractère performant d’une action dans le domaine martial ou sportif. Ou, comment une action, pour parvenir à son plus haut degré d’efficience doit réunir en elle le summum de ces trois dimensions.
    On ne peut qu’adhérer spontanément à cette analyse et probablement même être tenté de l’appliquer à d’autres domaines encore (disciplines artistiques, politique, monde des affaires...). Cependant, comme c’est toujours le cas avec les évidences, les choses se compliquent singulièrement dès lors qu’on essaye de les affiner.
    Où situer les frontières entre ces trois concepts ? Quelle est la nature des qualités ou compétences requises pour chacun d’entre eux ? Y a-t-il une hiérarchie entre eux ? Comment fonctionnent les interactions de l’un à l’autre ? Car il faut bien un corps pour donner vie à une technique et il faut bien une image mentale de ladite technique et une volonté (ou un non-vouloir) pour la mettre en œuvre. Ce mental est-il détermination, concentration sereine ou écoute attentive ? Est-il tourné vers soi ou vers l’autre ? Et quand on parle de capacité physique, s’agit-il de quantitatif (puissance, résistance) ou de qualitatif (coordination, perception, adaptation) ? Et ce qualitatif n’est il pas déjà de la technique ? Car “technique” désigne certes “les” techniques, les schémas techniques, mais aussi “la” technique, c’est-à-dire la capacité à faire vivre ces schémas ou à en créer, en improviser, d’autres.
    On le voit, les questions sont nombreuses et on peut être tenté de n’y apporter qu’une réponse laconique du type “tout est dans tout” qui ne fait guère avancer les choses même si elle est bien difficile à réfuter.
    Toutefois, avant de tenter d’avancer davantage n’est-il sans doute pas superflu de re-situer notre interrogation plus précisément dans le domaine de l’aïkido :
    . Il n’est pas question ici de performance, mais plutôt de pertinence ou d’adéquation.
    . Pas question non plus d’échéance où il faudrait plus que jamais répondre présent mais plutôt d’une attention de tous les instants couplée à un désir (une obligation ?) de progression ou d’évolution (le “Do”).
    . Enfin, nous nous situons dans le cadre d’un échange avec le partenaire et au sein d’un groupe et non dans la perspective d’une seule affirmation de soi.
    Ces caractéristiques de notre discipline donnent donc à toutes les questions que nous avons posées une orientation sensiblement différente de ce qu’un sport impliquerait. Pour autant, elles gardent toute leur pertinence dans la perspective d’éducation globale de la personne et du groupe qui doit être celle du pratiquant comme de l’enseignant.
    Peut-on faire usage de ce concept dans notre pratique quotidienne, et, si oui, comment le reformuler de manière plus utilisable et plus cohérente avec notre propos ?
    Bien sûr, nous n’avons pas ici la prétention (le pourrait-on d’ailleurs ?) de livrer un guide exhaustif du bon usage de la trilogie Shin-Gi-Taï, mais simplement de pointer du doigt  un certain nombre de problèmes concrets qui lui sont inhérents et d’aider à en prendre conscience.
    Prenons quelques exemples.
    Considérons la respiration. Certains enseignants en parlent peu ou pas, d’autres exploitent et développent ce thème, mais... tous respirent 24 h sur 24.  Si on veut avancer dans ce domaine, faut-il rechercher une technique respiratoire ? Un état mental ? Un processus physique ? La respiration adéquate sera-t-elle maîtrisée et commandée pour s’appliquer à chacune des phases du mouvement en permettant à celui-ci d’être plein et total ? Ou au contraire sera-ce une respiration qui s’oublie, qui coule sans qu’on y pense et s’adapte aux besoins du mouvement ? Va-t-elle permettre relâchement et disponibilité ou sera-t-elle au contraire conséquence de ce relâchement ?
    Les mêmes questions se posent d’ailleurs pour le relâchement  même (technique, état physique ou état mental ?). Une technique affûtée permettra-t-elle de se relâcher ou est-ce à l’inverse le relâchement qui permettra l’adéquation ? Peut-on concilier relâchement et puissance ? Et s’agira-t-il alors de technique ou de physique ?
    Tout cela n’est pas qu’arguties. Ces questions sont concrètes pour l’enseignant qui doit bien fourbir et fournir des outils, qui doit choisir un ordre et un angle d’attaque pour aborder ces notions. Comment, par exemple, répondre à la question : “que dois-je faire pour me relâcher ?” (Qui laisse à penser que le relâchement est une technique que l’on peut donc s’accaparer). Vous avez le choix entre  : “pratique et ça viendra”, “penses-y à chaque instant “ et “fais des exercices de relaxation”... ou d’autres solutions encore dont aucune n’est vraiment satisfaisante.
    D’autres domaines sont tout aussi difficiles à démêler, comme par exemple les liens qui unissent le centrage (l’unité du corps), l’équilibre, la concentration et la sérénité dont on sent bien qu’ils participent d’un même paradigme. Mais par où commencer ? Faut-il aller du mental (tranquillité d’esprit) vers le physique (unité du corps) via un élément technique (centrage) ou l’inverse ? L’expérience comme l’intuition nous conseillent, bien sûr, de varier les approches, de faire des aller-retours sur le chemin mais la réalité des processus d’acquisition reste bien mystérieuse.
    Une question encore plus épineuse se pose quant à la contradiction qu’il faut bien admettre entre développement physique (Taï) et principe d’économie (Gi). D’une certaine manière, le but du Gi est de s’affranchir du Taï. Car l’économie est bien le sens et l’essence même de la recherche technique : parvenir au maximum d’effet avec le minimum d’effort. Dans toute situation, adopter la solution la plus simple, la plus légère, la moins coûteuse, non par esprit de facilité (encore que, pourquoi pas ?) mais pour garder en réserve le maximum de potentiel, pour garder grand ouvert l’éventail des possibles. Comment alors concilier ce concept avec l’acquisition d’un potentiel physique ? La question se pose à tous les instants de la pratique, à tous les instants de la relation entre Uke et Tori : choisir l’économie ou le développement de la puissance. L’économie va de pair avec l’adaptation, la perception, l’écoute, la lucidité. Nous sommes ici véritablement aux confins du mental, du technique et du physique, certes, mais du physique qualitatif... Et on ne sait plus trop comment y articuler le physique quantitatif auquel il faut pourtant bien accorder une place.
    La réponse apportée à ce problème est souvent du type : ”commence d’abord par te forger un corps”. Fort bien, cela exprime un certain bon sens. Mais quel corps ? Un corps de Sumo, de marathonien ou d’homme serpent ? Et jusqu’à quand faudra-t-il continuer à essayer de développer de la puissance avant de chercher à pouvoir s’en passer ? Bien difficile de préciser davantage et on doit sans doute se contenter de dire que c’est l’affaire de chacun et que l’âge et l’expérience se chargeront de résoudre ce problème sans qu’il soit besoin d’y penser. Mais ce constat un peu désabusé n’est guère satisfaisant pour un enseignant...
    Qui plus est, le Taï est encore porteur d’autres interrogations car, jusqu’à présent, nous n’avons parlé qu’en termes de “développement” ou d’ ”éducation”. Mais il faut bien aussi évoquer la “préservation”, l’ ”entretien” et la “jubilation”. Car il faut bien que le corps exulte pour rester motivé et qu’il reste en état de marche pour durer. Comment concilier toutes ces nécessités ? Quand et comment glisser du développement vers l’entretien ? Et n’y aurait-il pas là une clef pour répondre à la question précédente ?

    Au travers de toutes ces interrogations, une constatation s’impose : ces trois concepts sont inextricablement liés et il serait vain de vouloir les utiliser de manière analytique, systématique ou selon une progression rigoureuse où s’enchaîneraient logiquement des relations de cause à effet.
    Mais il ne faut sans doute pas pour autant rejeter en bloc ce trio qui nous avait  séduit de prime abord par son évidence : considérons qu’il doit, modestement, remplir un rôle d’aide mémoire. Nous rappeler, à nous, pratiquants et enseignants, de faire porter notre exigence sur ces trois pôles dont, pour chacun, nous avons entr'aperçu la complexité. Nous inciter à manipuler alternativement ces trois leviers. Faire que notre souci de développement et de plénitude de la personne comme du groupe ne se focalise pas abusivement sur un seul aspect de la pratique et se donne ainsi plus de chance de globalité et donc de pérennité voire même d’universalité.

    Nous avons bien conscience du fait qu’aucune véritable réponse n’a été apportée tout au long de ce texte même si, comme tout enseignant, l’auteur de ces lignes a, bien sûr, ses opinions, options et orientations.
    Et sans doute est-ce aussi une caractéristique du “Do” de ne pas réclamer de réponses fermes et définitives à ses questions puisqu’elles sont justement le moteur qui nous tient en mouvement sur le chemin. Mais l’enseignant, le Senseï, a, lui, l’obligation de faire des choix à chaque instant, dans ce qu’il propose et ce qu’il expose. Choix qui sont, d’une certaine manière, autant d’éléments de réponse à la foule de questions qui planent dans l’air du Dojo. La responsabilité de son rôle est alors de ne pas oublier que ces éléments de réponse ne sont que provisoires et approximatifs et... de le laisser clairement entendre à ses ouailles.


                Octobre 2009          Franck NOËL

 

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05/02/2014

FRANCK NOËL... REFLEXIONS II... SUITE

 

Cet écrit de Franck Noël issu de son site approfondit une fois de plus ce que nous mettons comme mots derrière cette maxime en rapport avec notre pratique.

 

 

 " Il n'y a pas d'école de la vie, il n'y a que la vie elle-même."

Malgré quelques recherches, l'auteur de cette maxime, qui nous sert de titre, est resté introuvable, comme s'il souhaitait délibérément garder l'anonymat et préférait nous laisser penser qu'il s'agit là d'une expression de la sagesse populaire, déjà largement colportée et appartenant pour ainsi dire à tout un chacun. Libre à nous, en effet, de tenter ou non d'en tirer des leçons, de la considérer comme une fade généralité, une tautologie à peine masquée, qui dit tout et son contraire, ou, à l'inverse, de la doter d'une profondeur capable de la poser en référence pour nous aider à tracer une ligne de conduite le long des méandres de nos trajectoires.

Pourtant, nul ne peut nier que pour nous, aïkidokas, cette phrase entre particulièrement en résonance car elle fait écho, positivement ou négativement, à quelques idées, slogans ou préceptes qui nous sont familiers. N'a-t-on pas justement coutume de présenter l'Aïkido (et, plus généralement, tous les Budos) comme une "école de vie"? De parler du Dojo comme d'un "espace privilégié" qui serait "à part", régi par des règles de comportement spécifiques ( le "reishiki"), tendant à créer une rupture avec l'extérieur afin, ensuite, d'y diffuser les bienfaits des compétences acquises dans ce laboratoire?

Contradiction donc, apparente tout du moins, avec notre maxime.

A l'inverse, les idées d'unification, de fusion, de dépassement de la dualité, l'importance du "ici et maintenant", qui nous accompagnent tout autant dans notre pratique, nous semblent spontanément appartenir à cette famille de pensée.

Tentons d'approfondir un peu toutes ces intuitions.

 

L’AÏKIDO "ÉCOLE DE VIE"

Le fait de présenter l'Aïkido comme une "école de vie" ne se pose pas, bien sûr, en opposition avec ce que pourrait être une "école de mort" - titre que même l'armée ne revendique pas ("je vais vous apprendre à vivre...") - bien qu'il ne soit pas indigne, pour un art martial, d'affirmer sa volonté de poser la vie en valeur suprême. Non, en fait, le recours à cette expression "école de vie" n'est souvent qu'un geste de communication à usage externe, quasiment un acte de propagande destiné à mettre en relief les vertus éducatives de la discipline, afin de bien faire comprendre qu'elle ne se referme pas sur elle-même en faisant acquérir des compétences qui ne s'appliqueraient qu'à son propre champ d'action, mais qu'au contraire elle sollicite et développe des qualités, essentiellement morales et relationnelles (persévérance et dépassement de soi, respect et humilité), dont le pratiquant sera amené à faire usage avec profit dans tous les domaines de la vie.

Cette position quasi-officielle est toutefois largement battue en brèche par les inquiétudes manifestées de manière récurrente par bon nombre de pratiquants ne cessant de s'interroger sur le"réalisme" ou la "réalité" de leur technique et donc sur sa connexion avec "la vie" qu'ils situent alors résolument en-dehors du Dojo.

Pourtant, une autre lecture peut être faite de cette "école de vie", lecture qui ne met pas l'accent sur la place de la discipline dans "la vie" mais sur la qualité de la vie dans la discipline : celle-ci serait alors considérée comme le lieu où l'on apprend à goûter et où l'on goûte la vie, la "vraie" vie. Le lieu où la vie apparaît dans toute son intensité et sa richesse, où elle se révèle dans toute sa densité. Le slogan corollaire ne serait plus alors "l'aïkido fait de vous un homme partout à l'aise dans le monde", mais "qui n'a pas été aïkidoka n'a pas vécu".

En alternant ces deux sens de lecture, nous résolvons donc pour une bonne part la contradiction initialement apparue. Et, tout comme l'alternance des rôles de Tori et de Uke est indispensable à la compréhension du geste aïki, sans doute est-ce là une bonne méthode que de considérer tour à tour le Dojo dans la vie et la vie dans le Dojo.

 

LE DOJO DANS (ET HORS DE) LA VIE

Il est clair que toute notre éducation de Budoka nous incite à effectivement considérer le Dojo comme un espace privilégié, à la fois école, laboratoire et lieu de cérémonie qui se protège de l'extérieur par tout un ensemble d'artifices symboliques ou matériels : le keikogi (la tenue), le reishiki (le rituel, l'étiquette), le kamiza (la place d'honneur, objet du salut initial et final), qui tentent de donner l'image d'un monde ordonné, orienté et maîtrisé dans lequel tout est fait pour susciter attention, réceptivité, respect et engagement de la part de ceux qui le fréquentent.

École, car c'est là que sont proposés des exercices sélectionnés, dosés, combinés afin de conduire tout un chacun dans sa progression, vers une maîtrise de plus en plus fine des outils. Choix et présentation des schémas techniques, consignes de mise en oeuvre constituant la partie la plus objectivable du rôle du Senseï.

Laboratoire, car c'est le théâtre de toutes les expérimentations, personnelles ou collectives, grâce auxquelles l'expérience aïkido n'est pas qu'imitation et répétition d'un modèle absolu et immuable. Et on souhaiterait pour cela, autant que faire se peut, évoluer dans un milieu stérilisé, aseptisé, avec une possibilité de contrôle de tous les éléments qui le constituent afin de pouvoir, à la demande, faire varier tel ou tel paramètre.

Lieu de cérémonie, car pratiquer l'Aïkido n'est pas qu'évoluer sur une progression et faire des recherches : c'est aussi espérer conjurer le conflit, exorciser la violence, la sienne propre comme celle de l'autre, et donc souhaiter (consciemment ou non) vivre à chaque fois, à chaque séance, une expérience purifiante, rassurante et libérante en se trempant dans un bain magique et cathartique. Le lieu de cette cérémonie ne peut, à l'évidence, rester ouvert à tous les vents.

De ces trois points de vue la nécessité pour le Dojo de savoir se garder des influences ou pollutions extérieures apparaît clairement et on comprend bien la recommandation faite aux pratiquants de "laisser leurs soucis (et autres) au vestiaire": il faut bien réussir à créer des conditions particulières, débarrassées des diverses scories et entraves dans lesquelles se trouvent engluées nos personnes, pour pouvoir espérer avoir accès à toutes nos ressources potentielles tenues occultées ou inhibées par nos habitudes et défenses dans le quotidien. A l'inverse pourtant, les parois du Dojo se doivent d'être perméables dans l'autre sens, vers l'extérieur, afin que les germes aïki cultivés avec soin en son sein puissent à loisir proliférer et, petit à petit, coloniser le monde...

 

LA VIE DANS LE DOJO

Cette vision traditionnelle du Dojo et de sa place dans le monde, toute nécessaire qu'elle soit, reste toutefois largement théorique. Car nul ne peut empêcher la vie et son flot tumultueux de faire irruption là comme ailleurs. Il faut se rendre à l'évidence : elle pousse toutes les portes et s'invite où bon lui semble et mieux vaut prendre acte de cet état de fait que de tenter de le nier et de renforcer les serrures. Les personnes ne se dépouillent pas de leurs peurs profondes comme de leur costume de ville. Les corps ne se libèrent pas sur commande de leurs verrous et carapaces, et ils vont continuer "à leur corps défendant" d'être ce qu'ils ont coutume d'être. Les angoisses ou obsessions de chacun, même si elles acceptent de simuler un moment l'endormissement, n'en restent pas moins tapies au fond de l'être, prêtes à jaillir de la moindre faille, à exploiter le moindre prétexte pour, sournoisement, refaire surface et occuper la place. Se superposant à tout cela, il y aura aussi, bien sûr, la joie, l'humour, le plaisir, la séduction ou la rivalité qui ne vont pas non plus manquer l'occasion de venir s'ajouter comme ingrédients dans le bouillonnement du chaudron pour en relever la saveur.

Bref, le Dojo nous propose un jeu de rôles, certes, mais ce sont des personnes chargées d'histoire, d'espoir et de vitalité qui endossent ces rôles non comme des uniformes ou du prêt-à-porter mais en les bariolant de toute leur fantaisie et manière d'être, instaurant une sorte de tension dialectique entre austérité et carnaval.

Faut-il le regretter ? Outre qu'il n'y a pas vraiment de place pour cette question, il faudrait pour cela que nous soyons persuadés d'avoir une maîtrise totale de la programmation de l'expérience humaine en matière de conflit, (le champ d'investigation de l'Aïkido), qui ne laisserait aucune place à l'aléatoire, au global, au fortuit. Il faudrait considérer que notre capacité d'analyse est à même d'embrasser toute cette réalité pour ensuite la restituer dans une progression et la mettre en scène dans une cérémonie.

Ça n'est évidemment pas le cas et, si elles étaient totalement désincarnées et contrôlées, il est très probable que nos situations de travail ou d'exercice ne déboucheraient que sur une sorte d'abstraction vide que la volonté de perfection ne suffirait sans doute pas à doter d'appuis satisfaisants sur la surface du monde. Sans renoncer pour autant à cette recherche de neutralité et de dépassement de l'ego, il faut donc accueillir avec la plus grande bienveillance tous les aléas et imperfections qui permettent que les rencontres et échanges se fassent de personne à personne et non seulement de rôle à rôle et accepter l'idée que c'est cela qui donne épaisseur, densité et matière à la quête d'absolu de notre pratique.

 

PRATIQUE ET RÉALITÉ

Car finalement, ce qui ancre le Dojo dans la réalité c'est justement la réalité du Dojo, même si elle n'est pas conforme à l'idée première qu'on s'en faisait : la pratique ne tente pas de copier la réalité, elle EST la réalité. Elle est la vie même, ni une parenthèse, ni un temps mort, et doit se goûter comme telle, se mesurer à l'aune de la plénitude et de l'intensité, trouver sa justification d'abord et surtout dans la qualité de l'instant.

La tradition, qui met l'accent sur la présence au présent, sur le "ici et maintenant", ne nous dit rien d'autre en nous incitant à accomplir chaque action pour elle-même plus que pour ce qu'elle est censée représenter. Non pour apprendre quelque chose qu'il s'agirait ensuite de réutiliser "pour de vrai" dans un contexte libéré des contraintes du Dojo, mais en s'investissant dans chaque geste avec le souci de l'habiter pleinement et d'en jouir totalement en tant que seule expression actuelle et réelle de la vie.

La pratique dans le Dojo n'est pas un "entraînement" en vue d'une quelconque échéance programmée ou hypothétique; elle n'est pas non plus comparable à une répétition de théâtre où l'on peaufine ses effets en attendant la première... La pratique est... la pratique : un morceau de vie qui doit être abordé et dégusté en tant que tel. S'y immerger, s'en imprégner et, peut-être, la transpirer à tout moment.

Prendre en compte la réalité de cette pratique pour ce qu'elle est : voilà donc sans doute ce que nous suggère notre maxime, non pour totalement remplacer notre idée de "Dojo-école", mais au moins pour l'infléchir et la pondérer un tant soit peu.

Développer toutes les conséquences d'une telle position de principe serait trop long et trop ardu mais nous allons néanmoins insister sur l'une d'entre elles qui, quoiqu’évidente, est souvent largement sous-estimée et sous-utilisée.

Une des caractéristiques majeures de notre pratique est probablement l'alternance et la réversibilité des rôles Uke et Tori.

 

L'ALTERNANCE UKE / TORI

Le geste, la technique aïki sont vécus, expérimentés des deux côtés. Le pratiquant est, dans son expérience, autant Uke que Tori. Il incarne les figures des deux faces de la médaille, le relief et le creux, l'équilibre et le déséquilibre, la station debout et la chute, conduire et être conduit. Uke et Tori sont le même. Certes, pas tout à fait en même temps, mais l'homme est un animal à mémoire et l'empreinte d'Uke est encore fraîche en Tori lorsqu'il projette Uke qui, déjà, se projette en Tori...

Cette alternance réglée - qui est bien le fait de la pratique et non de ce qu'elle est censée simuler - est sans doute notre meilleur outil pour nous aider à avancer sur le chemin de l'unification prônée par le "Aï". Uke et Tori sont le même, dépassant de loin le statut de simples partenaires. Et cette conscience, dès qu'elle s'impose, encadre de manière très étroite les comportements, et illumine de toute sa clarté la perspective, le projet aïki. Elle nous dit en effet que l'attitude générale, le souci constant, doit être de s'efforcer de bonifier l'autre autant que soi-même, d'oeuvrer à une élévation mutuelle et réciproque au sein de la pratique. Cette volonté, constatons-le, n'exprime rien d'autre que l'idéal que l'Aïkido tente de déployer en toute circonstance, dans le Dojo de la pratique comme dans le Dojo de la vie.

Prendre soin de son partenaire, c'est prendre soin de soi-même, se faire du bien et se donner des chances d'une compréhension plus profonde. Alors Tori ne massacrera pas Uke et Uke fera son possible pour créer la situation d'échange la plus fructueuse. Et il ne s'agit là en aucune façon de complaisance mais au contraire d'une exigence qui a des effets très concrets tant sur le bien-être que sur la progression de chacun.

C'est l'exigence que se donne Tori de ne pas contrôler Uke sur la douleur ou le traumatisme qui l'oblige à améliorer la globalité de son action et la gestion du déséquilibre, (tout à fait évident sur nikyo, sankyo, shihoo nage, kote gaeshi mais vrai pour absolument toutes les techniques). C'est s'interdire d'utiliser l'atemi comme une sanction ou un cache-misère technique mais comme un outil d'éveil destiné à faire percevoir les distances et directions dangereuses, qui exige de s'interroger en permanence sur son placement. C'est tenter de ne pas surprendre Uke par des accélérations à la limite de la rupture mais au contraire de le conduire dans l'apaisement jusqu'à la chute, qui amène à affiner l'écoute et le rythme.

Voilà quelques exemples très concrets de la manière dont le respect de Tori à l'égard de Uke participe, certes, à la sérénité de l'échange, mais est aussi facteur de progrès technique en même temps que de plénitude physique. Et ce n'est pas tout : ce parti-pris de dépasser tout caractère traumatisant dans la pratique est aussi ce qui nous autorise à la pousser à fond et non à "faire semblant". Ce n'est qu'en intégrant cette exigence de n'être en aucun cas destructeur dans la conception même de la technique qu'on peut ensuite espérer la réaliser totalement, sans qu'elle soit tronquée, sans avoir à faire "comme si", sans qu'elle soit trahie ou travestie dans le Dojo.

Elle sera alors pleinement et seulement l'expression d'elle-même, sans avoir besoin pour exister de référence à un "ailleurs" hypothétique et donc irréel. Ce respect de l'intégrité du partenaire comme de la sienne propre, qui va de pair avec cette volonté de le bonifier, de l'amener toujours un peu plus loin dans ses capacités, est un travail sur soi autant que sur l'autre et nous aide ainsi à ne pas nous tromper d'ennemi. Ce respect, cette attention ne doivent pas être vu comme un pardon, un geste de clémence, sorte de cerise sur le gâteau, que l'on consentirait après avoir, d'abord, assis sa domination. C'est bien plus que cela : comprendre qu'il ne peut y avoir que la solution gagnant/gagnant qui soit satisfaisante est le moteur même de la tentative de résolution de la dualité et de l'opposition. Cette exigence-là, cette contrainte-là, est le début, le coeur et la finalité de la recherche.

Et, pour revenir à notre expérience de pratiquant, il est frappant de constater à quel point c'est l'application concrète de cette idée, matérialisée par l'alternance des rôles, qui structure la relation Uke/Tori et qui fonde la réalité de notre pratique, son originalité et, accessoirement, la possibilité d'en jouir aussi longtemps.

C'est, pour une bonne part, par ce biais que se réalise l'unification de "l'école" et de "la vie".

 

Franck NOËL

24/01/2014

FRANCK NOËL

 

 

Prochain stage

 

http://aikido.noel.pagesperso-orange.fr/documents/pau.jpg

 

Voici une interview de Franck Noël par Aïkidojournal pour

 

en savoir un peu plus sur

son parcours.

 

Nous ne trouvons que 3 vidéos de Franck Noël sur You Tube. Ceci est dû au fait qu'il ne souhaite pas être filmé, préférant la vision de l'instant... mais quand même cela nous aiderait un peu !!!

 

Cliquer sur l'image pour accéder au contenu de l'interview.

 

15/01/2014

FRANCK NOËL...

CET ARTICLE ÉCRIT PAR FRANCK NOËL EST COMME TOUS SES ARTICLES, EMPREINT D'UNE RÉFLEXION POINTUE ET D'UNE EXPÉRIENCE PERSONNELLE HORS NORME.

C'EST UN SOUFFLE D’ESPÉRANCE !

article tiré de son site ici

 


Arrêter de souffler




Dans les milieux des chroniqueurs de Jazz, circule une anecdote.
A l'époque, John Coltrane jouait dans la formation de Miles Davis et, malgré la notoriété déjà plus affirmée de ce dernier, une certaine rivalité entachait les relations entre les deux hommes dont la sensibilité musicale était, par ailleurs, assez contrastée.
Un soir, John, au moment de son "chorus", se lance dans une improvisation aussi alambiquée qu'interminable, faisant hurler, chanter, gémir, grincer tant et plus son saxophone... sous le regard de plus en plus lourd de Miles, inquiet de se voir ravir la vedette mais aussi d'entendre la volubilité sans limite de son compère mettre à mal son goût pour l'ellipse et l'allusion.
La prestation se termine néanmoins en sauvant les apparences.
Plus tard, John, s'adressant à Miles, lui dit quelque chose comme : "tu sais, tout à l'heure je me suis embarqué dans un drôle de truc, je ne savais vraiment pas comment m'en sortir !"
Et Miles de lui répondre: "Est-ce que tu as pensé à arrêter de souffler ?"
Imparable.

"Arrêter de souffler"... Le parallèle que l'on peut tenter avec notre discipline ne doit évidemment pas nous encourager à pratiquer en apnée, mais à envisager l'idée de renoncement, d'abandon, de lâcher-prise. L'idée que, parfois, c'est en arrêtant d'essayer que l'on résout un problème, que la solution peut se trouver dans le moins et non dans le plus.

Sur le plan technique, les exemples sont innombrables où, essayant seulement de faire toujours plus fort ou toujours plus vite, l'obstination que l'on met à s'enfermer dans une tentative toujours renouvelée et toujours aussi peu concluante, nous aveugle totalement aux autres directions, aux autres approches, ou tout simplement à la réalité que nous propose le partenaire.
C'est bien alors en renonçant à ce qu'on essayait de faire que l'on se bonifierait.
On se représente bien l'image du mur sur lequel on s'échine à pousser au lieu de le sauter, de le contourner, de creuser dessous ou... de faire demi-tour car peut-être n'était-ce tout bonnement pas par là qu'il fallait passer. Et d'ailleurs, sommes-nous sûrs de là où nous allons ?
Dans un autre registre, le professeur s'entend souvent poser la question : "qu'est-ce que je dois faire pour me relâcher ?" laissant à supposer que se relâcher nécessiterait un effort supplémentaire, demanderait quelque chose de plus à faire..., sans envisager la possibilité d'en faire moins.

Contester la toute puissance du volontarisme est une idée tout à fait banale et depuis longtemps déjà la tradition orientale nous a appris à admirer la stratégie en "non-vouloir" de l'eau qui coule simplement là où il n'y a pas d'efforts à faire et qui, pourtant, finit par tout emporter sur son passage.
Le vide du Zen, la purification ou neutralité du Shinto nous évoquent la même réalité : faire abstraction de soi-même, de son ego, de sa volonté, de ses intentions ou aspirations pour simplement se couler dans la situation. Ne rien essayer de faire en particulier pour faire bien ce qu'on va être amené à faire sans jamais l'avoir vraiment décidé. Ces traditions nous encouragent à nous élaguer, à nous simplifier, à diminuer notre volume, à nous réduire à l'essentiel, à ce qui nous fonde véritablement comme être humain au lieu de nous complaire dans des personnalités de plus en plus complexes et boursouflées, toutes bardées d'ambition et de volonté de s'imposer. Car, d'une certaine manière, ces traditions considèrent que ce qui est véritablement humain en nous est justement notre part de divin et qu'en tant que telle, cette part de nous-même saura adopter la conduite adéquate.
Dans cette logique, la recherche de l'adepte ne sera pas une tentative d'accumulation de compétences mais l'acceptation d'un dépouillement de toutes ses aspérités particulières.
L'idée est banale mais son usage à bon escient l'est moins.
Dans le cadre de notre pratique, les concepts de sobriété et de simplicité, de la technique comme des personnes qui la font vivre, nous sont familiers, tout comme ceux de disponibilité et d'adaptation qui nécessitent bien une écoute, c'est-à-dire une présence en creux, abandonnant ses velléités à court terme pour mieux avancer dans la perspective.
Et c'est là justement que réside toute la difficulté et toute l'ambiguïté de cette conduite : comment réussir à avancer dans la perspective sans même avoir voulu s'y engager ? Comment être neutre dans sa recherche de neutralité ?
Et ça n'est pas tout : comment concilier ce lâcher-prise, cet abandon, avec d'autres valeurs qui sont aussi les nôtres telles que l'engagement, la persévérance, la détermination ou la clarté d'intention ? Faut-il renoncer à l'engagement ou s'engager à renoncer ou bien même renoncer à renoncer?
Car il a bien fallu s'engager dans la volonté de se bonifier pour marcher sur la voie. Dès lors, le renoncement est-il le bout du chemin, l'objectif (mais un objectif fait de vide et non de plein, sorte de négation de l'idée même d'objectif) ? Ou bien est-il la condition, le moyen, pour avancer sur ce chemin ? Renoncer à l'idée de se bonifier est-il nécessaire pour se bonifier ? Ou bien faut-il persévérer dans cette idée de bonification pour parvenir à renoncer ?

Bon.
Arrêtons de souffler car nous n'avons pas de réponse.

Toutefois, si nous plaçons le débat à un niveau plus humain, en "renonçant" à notre souci de perfection et d'absolu, le parallèle avec la musique peut peut-être nous aider :
La remarque de Miles nous rappelle que le silence fait partie de la musique. Mais elle ne nous engage nullement à ne jamais souffler dans notre trompette. De même, un danseur pourrait nous dire que l'immobilité fait partie du mouvement ; il n'en continuerait pas moins à étudier comment bouger. Un bon journaliste, quant à lui, sait que c'est justement lorsqu'il se tait, pour laisser parler son interlocuteur interviewé, qu'il est le plus intéressant ; il doit pourtant continuer à peaufiner ses questions.
Le bon usage de tous ces outils est de savoir les doser et les rythmer, d'avoir recours aux uns pour faire entendre les autres, de savoir jouer sur les alternances, les échanges, parfois sur la rupture, parfois sur la continuité, d'être parfois la corde qui vibre, parfois le résonateur...
La carrière, le parcours, de ces artistes et de ces artisans sera fait d'expérimentation sur la combinatoire de leurs outils, sur la valeur et la place respective à leur accorder. Il y aura de la routine, des échecs, des impasses, mais aussi des moments de grâce, de grande lucidité et de découverte.
Il semble bien que notre Aïkido nous fasse voyager dans un paysage tout à fait semblable.
On ne peut sans doute pas démêler théoriquement la question de savoir s'il faut d'abord se vider pour se remplir ensuite ou l'inverse. Mais l'expérience nous dit bien deux choses qui semblent contradictoires : qu 'il y a clairement un certain nombre de choses à acquérir de manière volontaire et systématique mais aussi que nos habitudes, les bonnes comme les mauvaises, nous tiennent enchaînés et qu'il faut savoir y renoncer pour franchir de nouveaux paliers, et ce, à tous les stades de la progression.
Quelle leçon tirer de tout cela?
Peut-être tout simplement de garder à l'esprit ces deux facettes du "travail": en plus, en positif, en plein, en insistance, mais aussi en moins, en négatif, en creux, en renoncement.
Et continuer à jouer...

Vous aussi, Miles et John, s'il vous plaît,
continuez à jouer pour nous
votre musique
faite de silences et de notes
chevauchant allègrement
vos rythmes magiques...

Nous sommes encore loin d'avoir fait le tour du problème.


Franck NOËL