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03/12/2014

Karlfried Graf DÜRCKHEIM II

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 VOILA UN AUTRE EXTRAIT DE

« HARA, centre vital de l’homme»

DURCKHEIM Karlfried Graf
Édition du Courrier du Livre 

Cette histoire nous montre encore que le plus important n'est pas le but, mais ce qu'il permet d'obtenir !

"C'était par une chaude journée d'été, à Tokyo, et j'attendais la venue de Maître Kenran Uméji, mon Maître de tir à l'arc. Je m'étais exercé tout seul pendant plusieurs semaines et je me réjouissais de montrer au « Maître» que j'avais bien appris ma leçon. J'étais curieux de savoir quelle nouvelle surprise m'attendait, car chaque leçon m'avait apporté une surprise.

L'étude d'un art japonais - qu'il s'agisse du tir à l'arc, de l'escrime, de l'art floral, de la peinture, de la calligraphie au pinceau ou de la cérémonie du thé - est pleine d'étrangeté pour l'étudiant occidental. Celui qui croirait, par exemple, que dans le tir à l'arc il s'agit de toucher la cible, commettrait une grosse erreur.

Mais de quoi s'agit-il donc ? C'est en fait ce que mon Maître m'apprit ce jour-là. Il arrive à l'heure convenue et, après une brève conversation autour d'une tasse de thé, nous nous rendons au jardin où se trouve la cible. Cette cible avait fait l'objet de ma première surprise, au début de mon apprentissage du tir à l'arc.

C'était une botte de paille d'environ 80 centimètres de diamètre, placée à la hauteur des yeux, sur un support de bois. Il est facile d'imaginer quel fut mon étonnement lorsque j'appris que tout élève devait s'exercer sur cette cible pendant trois ans, et cela à une distance de trois mètres ! Ce simple exercice répété pendant trois ans ! N'est-ce pas ennuyeux à la longue ? Non, au contraire, cela devient de jour en jour plus passionnant, au fur et à mesure que l'on pénètre le sens de l'exercice. En effet, le but recherché n'est pas de toucher la cible.

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Mais de quoi s'agit-il donc ? C'est ce que mon Maître m'expliqua ce jour-là. Je me mets en position. Je m'incline d'abord devant le Maître qui se trouve en face de moi, comme le veut le cérémonial, puis devant la cible. Ensuite, je me tourne de nouveau face au Maître et exécute calmement les premiers mouvements. Les mouvements doivent se succéder harmonieusement, à la manière des vagues, chacune naissant de la précédente.

 

Je place l'arc sur le genou gauche, prends l'une des deux flèches appuyées contre ma jambe droite et la place sur la corde. De la main gauche, je tiens fermement l'arc et la flèche. Je lève lentement la main droite et l'abaisse, tout en expirant pleinement l'air de mes poumons. Puis, de cette main, je saisis la corde et, inspirant lentement, je lève et tends l'arc peu à peu. C'est là le mouvement décisif qui doit se faire avec calme et sans à-coups, telle la lune qui monte dans le ciel.

 

 

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Maître ANZAWA

 

Je n'ai pas encore atteint la hauteur voulue, au moment où, l'arc étant bandé au maximum, l'empennage de la flèche touche la joue et l'oreille du tireur, que la voix d'orgue du Maître, m'ordonnant d'arrêter, me fait sursauter. Étonné et quelque peu irrité de cette interruption dans un moment de concentration extrême, j'abaisse l'arc.

 

Le Maître me le prend des mains, enroule une fois la corde autour de l’extrémité supérieure de l’arc et me le rend en souriant me priant de recommencer. Ne me doutant toujours de rien, je refais toute la série de mouvements déjà décrite. Mais lorsqu’arrive le moment de tendre l'arc, je me trouve déjà au bout de mon savoir. L’arc ayant été deux fois plus tendu, mes forces ne suffisent pas pour le bander. Mes bras se mettent à trembler, je perds mon équilibre, vacille, c'en est fait du résultat de tant d'efforts de préparation.

Alors, le Maître commence à rire. Je fais désespérément un autre essai, mais en vain ; c'est un lamentable échec ! J'ai sûrement l'air fort dépité, car le Maître me demande ce qui m'irrite.

 

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Et moi de répondre aussitôt: « Comment pouvez-vous me poser une telle question ? Je me suis exercé pendant des semaines et, au moment crucial, vous m'arrêtez ! »

Le Maître rit de plus belle, puis, ayant repris son sérieux, me répond: « Que voulez-vous donc ? Que vous ayez acquis la forme requise pour accomplir votre tâche, je l'ai vu rien qu'à votre façon de saisir l'arc.

Mais retenez bien ceci : lorsque l'homme a atteint dans sa manière d'être, dans sa vie ou dans son travail, une étape qui lui a coûté beaucoup d'efforts, il ne peut rien lui arriver de pire que de voir le destin lui permettre de marquer le pas, de se figer dans l'état auquel il est parvenu. Si le destin lui est favorable, il lui enlève le résultat obtenu avant qu'il ne se raidisse, ne se sclérose. Voilà ce qu’un bon maître doit faire.

Car, au fond, il ne s’agit pas d’envoyer la flèche droit au but ; ici, comme dans tous les autres arts, l'objectif essentiel n'est pas le résultat extérieur mais bien le résultat intérieur, autrement-dit la transformation intérieure de l'homme. L'exercice d'une technique aboutissant à une performance sert également cette transformation.

Mais quel est le plus grand danger qui puisse menacer cette dernière, sinon de s'arrêter au résultat acquis ? L'homme doit progresser, progresser sans cesse ». La voix du Maître était devenue grave et émouvante.

 

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Ce qu'il enseignait à travers le tir à l'arc était autre chose qu'un sport d'agrément dont le but est la victoire sur les autres compétiteurs ; il s'agissait d'une école de la vie, c'est-à-dire d'une pratique initiatique enseignant le chemin intérieur .

Au début, il faut, bien entendu, apprendre la technique. Mais c'est seulement lorsqu'on la possède à fond que commence le vrai travail, l'incessant travail sur soi-même. Le tir à l'arc, comme tout autre art, n'est pour le Japonais qu'une occasion de s’éveiller à l’Être, c'est-à-dire à son être essentiel. Or cela présuppose que l'on entreprenne de se purifier de son moi vain et ambitieux qui, précisément parce qu'il ne se préoccupe que de l'aspect extérieur des résultats, met en danger la perfection même de ceux-ci. Ce n'est qu'après avoir triomphé de ce Moi que l'on peut réussir dans l'accomplissement d'une tâche. La réussite n'est plus alors le fruit d'un savoir-faire dirigé par une volonté ambitieuse, mais celui d'une transformation de l'homme en son être. La réussite est alors la manifestation d'un état intérieur qui libère une force profonde, quasi surnaturelle, laquelle, pourrait-on dire, produit la perfection sans notre contribution consciente. Il apparaît donc clairement que le sens de l’exercice est la transformation de l’homme."

 

VOIR AUSSI LA NOTE :

le zen dans l'art chevaleresque du tir à l'arc. E HERRIGEL

POUR LES DEUX VIDÉOS EN FIN DE NOTE DE DEUX GRANDS MAITRES

OBSERVER LA CONCENTRATION, LA PRÉSENCE ET LA MAÎTRISE DE CHACUN

 

 

 

Inagaki Sensei: Fragments


27/11/2014

Karlfried Graf DÜRCKHEIM

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Karlfried Graf Dürckheim est né en Munich, en Allemagne en 1896. Après des études universitaires, il obtint un doctorat en philosophie et en psychologie.
En 1935, en mission pour le Ministère des affaires étrangères, il étudie les fondements de l’éducation japonaise et le bouddhisme zen. Il s'initie au zen rinzai et pratiqua le Kyūdō avec le Maître Kenran Umeji.

 

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Maître Kenran Umeji

 

Il rentre en Allemagne en 1947 et crée à partir de 1951 en Forêt Noire un centre de pratique centré sur l’esprit du zen japonais mais sans le côté religiosité. Il s'intéresse intensément à ce que cette pratique peut développer chez chacun d'entre nous.

Il dit : "m'intéresse l'homme dans sa profondeur, dans son Être essentiel" ; sa première préoccupation est l'homme et non la religion dont il est issu.

Ce qu'il recherche, c'est la perception de l’Être essentiel au fond de nous-même et la possibilité de lui donner tout l'espace dont il a besoin pour s’épanouir.

Il meurt en décembre 1988 à Todtmoos, en Forêt-Noire.

 

Un de mes livres de chevet est :

Hara. Centre vital de l'homme

 

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 écrit par Karlfried Graf DÜRCKHEIM. J'ai découvert ce livre grâce à celui de Christian Tissier "Aïkido Fondamental :Techniques et connaissances Fondamentales", il en faisait référence dans un chapitre consacré au "Seika Tanden, Hara". Le Hara est toute la région qui entoure le Seika Tanden. La traduction de Hara est "ventre". Le
Seika Tanden est le centre de gravité de l'homme, il se trouve un peu en dessous de l'ombilic. Pour Karlfried Graf DÜRCKHEIM, avoir le Hara, c'est

"parvenir à l'acquisition ferme d'un état d'être, grâce auquel la maîtrise acquise dans une technique est disponible au moment crucial, d'une façon naturelle et non pathétique" et, comme le dit Christian Tissier dans cet ouvrage :

"Le Hara permet à l'homme qui le possède de vivre le monde des sensations et de l'intuition avec un détachement complet et une absence totale de préjugés...Vivre avec le Hara, c'est vivre dans le présent, ici et maintenant".

 

Le but de cette note est de vous faire découvrir la puissance du Hara et la possibilité de travailler dessus. Les phrases suivantes, issues du livre de Karlfried Graf DÜRCKHEIM, ont trouvé une résonance en moi et un sens dans ma pratique de l’Aïkido, mais cela est transposable à toutes activités...

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L'homme ne sera complet que dans la mesure où son Soi sera la réalisation de son être essentiel.

Seuls des exercices assidûment répétés conduisent à la véritable technique, et seule la véritable technique permet d'atteindre la perfection dans l'action ou dans l’œuvre.

En réalité, toute action sans cesse répétée contient en elle-même la possibilité d'un accomplissement parfait.

Le propre du chef-d’œuvre est qu'on n'a rien à ajouter ou à supprimer. Chaque détail est nécessaire, car il a sa place dans l'ensemble.

Le sens de la pratique, de l'exercice, n'est pas dans l'exercice lui-même mais dans ce que, finalement, il permet d'accomplir.

Il n'y a qu'une seule pratique. Elle ne donne pas un savoir technique, mais engendre un certain état intérieur qui est le meilleur garant du savoir-faire.

Le sens de l'action ou de l’œuvre passe alors du plan extérieur au plan intérieur. On ne vise pas le succès concret, mais la formation d'un état d'être dont la stabilité permet aussi, bien sûr, d'obtenir un résultat parfait, mais dont le but est la réalisation de l'être.

Cet état intérieur que nous devons, par l'exercice, découvrir, développer et fortifier est essentiellement fondé sur l'existence d'un centre de gravité inébranlable dans le centre vital de l'homme, donc sur le Hara.

 

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POUR FINIR, VOICI UN EXTRAIT PDF DU

Hara. Centre vital de l’homme
Karlfried Graf DÜRCKHEIM
1967
trad. Claude Vic
éd° Le Courrier du Livre (1974)

CLIQUER SUR LE KANJI POUR LE LIRE

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